Tanneries du Caire : dernière visite avant fermeture…

  • Sayed, fils et petit-fils de tanneurs © Pascal Garret - Février 2017

En février 2017, je suis retourné avec Bénédicte Florin aux tanneries du Caire, terrain que nous connaissons bien puisqu’elle y avait mené entre 1993 et 1995 de nombreux entretiens qualitatifs dans le cadre de sa thèse de doctorat de géographie.

Situé au sud du centre-ville du Caire, al-Madabigh, le quartier des tanneries, est un espace populaire et industrieux où de nombreux travailleurs et leurs familles vivent.

Environ 1000 tanneries formelles y ont été recensées et sont enregistrées à la Chambre des Tanneurs mais il faut y ajouter bien davantage de petits ateliers informels de tannage, de fabriques de glu et de gélatine, de sous-traitant, de porteurs de peaux, etc.

Longtemps annoncé, le déplacement de ce quartier industriel vers un autre site est aujourd’hui effectif avec la délocalisation des tanneries vers le quartier industriel d’al-Robeiki (ville nouvelle de Badr) situé à 80 km à l’est du Caire : en février 2017, certaines tanneries sont déjà détruites pour être déplacées et le quartier d’al-Madabigh ne sera plus qu’un souvenir à la fin de l’année.

Appartenant à la ville-centre où les prix du foncier sont très élevés, ces espaces de vie et de travail sont depuis longtemps l’objet de convoitises des promoteurs immobiliers soutenus par les acteurs politiques. Si la nature polluante de ces activités peut justifier leur déplacement, il n’en reste pas moins que les modalités choisies pour le réaliser interroge sur les effets économiques et sociaux qui concerneront la majorité de ces travailleurs puisque seules les grandes tanneries ont les moyens de se déplacer à al-Robeiki.

Les Cairotes et les étrangers connaîssent peu, ne traversent pas et pénètrent difficilement dans les Tanneries d’al-Madabigh. Ce n’est pas un “quartier interdit”, bien au contraire, mais un imposant aqueduc laisse seulement deux passages sur son côté nord par lesquels on distingue les fragments d’un espace d’activités intenses et d’habitat précaire dont l’emprise au sol est pourtant d’une trentaine d’hectares.