Aujourd’hui, sur une place du Caire et derrière une façade hétéroclite, se laisse deviner un vaste édifice de brique et de métal, le marché de Bab el-Louk, construit en 1912 au centre de ce qui était alors les nouveaux quartiers de la capitale égyptienne.
Visibles depuis la place, les ajouts, surélévations et transformations de ce bâtiment, s’ils ne relèvent pas de l’exceptionnel dans une ville comme Le Caire, rendent compte de profondes métamorphoses dont les plus évidentes sont morphologiques.
On y découvre, une fois parvenu à l’intérieur, une halle de dimensions imposantes qui couvre un espace vivant, véritable quartier dans la ville. Bien que privé, ce lieu de passage reste ouvert au public puisque sa fonction principale demeure la vente d’alimentation au détail.
Si, dès son ouverture en 1912, le marché de Bab el-Louk répond parfaitement aux attentes d’une clientèle aisée et d’une époque liée à la colonisation, les bouleversements liés à l’accès à l’indépendance, à la Deuxième Guerre Mondiale et à la Révolution égyptienne le modifient profondément. Le changement de composition sociale du quartier et le départ de la majorité des étrangers vivant en Egypte conduisent à l’adaptation des commerces à une nouvelle demande. Dans le même temps, la modification des rapports entre le propriétaire et les locataires du marché, due en grande partie aux lois sur le gel des loyers, introduit une inversion des pouvoirs : les locataires, inexpulsables, deviennent alors “quasiment propriétaires” d’un bien qu’ils peuvent transformer à leur gré moyennant finances.
Résidant au Caire de septembre 1993 à juillet 1995, j’y ai réalisé mon travail personnel de fin d’études en architecture (TPFE) sans faire aucun projet architectural, bien au contraire, mon mémoire de diplôme étant essentiellement fondé sur des enquêtes ethnographiques auprès des occupants du marché de Bab el Louk.
Cette recherche avait pour but de comprendre pourquoi et comment ses occupants ont profondément transformé ce bâtiment au point de le rendre quasi méconnaissable.
Ce travail sur la durée m’a rapproché des personnes qui travaillent dans ce marché et j’ai commencé, à leur demande, à les prendre en photo. Depuis, chaque retour en Egypte est pour moi l’occasion de retrouver le marché et ses occupants. Certains sont aujourd’hui décédés, parfois remplacés par leurs enfants ou par de nouveaux arrivants, et les autres ont pris de l’âge.
L’idée est, sur le long terme, de pouvoir proposer une monographie photographique et sociale du marché de Bab el-Louk, en une sorte de « micro-histoire » visuelle de ce marché qui se poserait comme un témoin de l’Histoire du Caire.
Vous pouvez aussi voir sur Flickr mes photos du marché de Bab el-Louk prises entre 1993 et 1995 puis lors d’un retour sur place en 2010…