Les rebuts de la modernité : quand ce qui est conçu pour bouger s’arrête…

Ce projet photographique, en cours de réalisation, part à la quête d’“épaves de la mobilité” qui ne possèdent plus aujourd’hui de fonction utilitaire mais qui témoignent de la modernité, d’un passé récent mais déjà révolu, de la temporalité et de la vanité de la société de consommation.

Il s’agit donc ici de “photographier autrement la réalité et ses représentations sociales et d’interroger le monde et son histoire. (…) Ainsi la photographie pourrait non pas donner des images du monde, mais questionner à la fois le monde, les images du monde et le monde des images.” (François Soulages, “Photographie, art et société”).

Montrer que la mort fige ces objets emblématiques de la mobilité, les reléguant au statut de délaissés, alors qu’ils étaient juste auparavant convoités, rêvés et parfois même adulés.

Cette question m’est venue pour la première fois à la fin des années 1980 alors que je découvrais la carcasse démontée d’un Boeing 747 dans la cour d’une ferme proche de l’aéroport de Roissy, avec en bruit de fond les autres avions qui continuaient de décoller ou d’atterrir non loin de là…

L’incongruité de ces restes délaissés, de ces objets oubliés au lieu d’être détruits ou recyclés me semble témoigner de l’intransigeance de cette modernité qui ne cesse de nous proposer de nouveaux objets désirables et, de fait, d’envoyer au rebut tous les précédents.

Il faut préciser qu’aucune de ces photographies n’a été prise dans une décharge ou dans l’un de ces lieux de fin de vie habituels des objets dont on se débarrasse comme, par exemple, les casses auto : ces rebuts rouillent tranquillement en plein champ, en pleine mer, sur le bord d’une route, ou, de manière plus étonnante, dans ce lieu hyperactif qu’est l’aéoport Roissy-Charles-de-Gaulle…


La proue du vapeur allemand Transpacific qui s'est échoué en mai 1971 sur les cailloux de l'Île aux Marins, à Saint Pierre et Miquelon. Pour en savoir plus sur l'histoire plutôt "croustillante" du Transpacfic, allez là...
© Pascal Garret - 1986 (photo argentique en cours de restauration).

Les restes d'un Boeing 747 délaissés dans un champ situé tout près de l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaule.
© Pascal Garret - 1989

Une Simca Aronde P 60 modèle Elysée de 1961 qui rouille tranquillement sur les bords de la Loire, pas très loin d'Amboise.
© Pascal Garret - mars 2016

Un bulldozer qui se fait manger par une simple plante grimpante...
© Pascal Garret - septembre 2017

Les restes d'un voilier qui ne prendra plus jamais la mer...
© Pascal Garret - décembre 2015

Un hélicoptère "WorkHorse", plus connu en France par son surnom de "Banane volante", qui termine ses jours au bord d'une rue du village de Villeperdue.
© Pascal Garret - décembre 2015

Une caravane de type Adria 305, mise en vente au tout début des années 1970 : "une caravane doit être confortable et complète pour, dès le premier jour, faire de vous un caravanier heureux (…) Adria va plus loin afin que vous puissiez aller plus loin avec une Adria."
© Pascal Garret - septembre 2017

Voiture de train de banlieue à étage AKPE de 1ère classe construite en 1933. Il s'agit de l'une des voitures du dernier train Paris-Mantes des Chemins de Fer de l’État. Elle se repose aujourd'hui dans la gare désaffectée de Richelieu.
© Pascal Garret - mars 2015

Après l'arrêt de son activité entre Paris et New York, ce Concorde a été "piqué" en plein milieu de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle comme s'il décollait alors qu'il ne bougera plus jamais...
© Pascal Garret - octobre 2017